Les assises du cinéma du CNC : un débat tronqué et truqué
En réaction à « toutes les tribunes et les textes écrits » sur le financement du cinéma français, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, a demandé au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) d’organiser des assises du cinéma, le 23 janvier prochain.
Le but est d’expliquer le financement du cinéma français. Mais à quoi cela sert-il ? Il n’y aura pas de débats, d’idées nouvelles ou de proposition de financement autre que public.
En effet, le CNC est l’organisateur et on le voit mal critiquer ou remettre en question sa source de financement. Quant à Madame Filippetti, elle a déjà donné, le 7 janvier au Grand Journal de Canal +, la conclusion des assises du cinéma : « Le principe d’avoir un CNC qui prélève de l’argent sur le billet des films, notamment à très gros budget, et qui les redistribue, c’est un très bon principe ».
Et elle en rajoute : « C’est un mécanisme fin, juste et vertueux qui génère plus d’argent qu’il n’en prélève sur la filière. » Ce sont quand même 10,7% prélevés obligatoirement sur chaque billet d’entrée de cinéma. Le spectateur devient malgré lui le producteur de films qu’il n’ira peut-être jamais voir et auxquels il n’aurait peut-être pas donné un centime si on lui avait demandé.
Mais pourquoi tenir des assises puisque la cause est entendue ? Le coût de l’organisation de ces assises et du buffet qui suivra seront un gaspillage de plus aux frais des contribuables.
Alors puisqu’il n’y aura pas débat lors de ces assises, imaginons-le ! Juste un petit échange, entre Madame Filippetti et l’économiste Frédéric Bastiat qui justement avait écrit sur les théâtres et les beaux-arts. Il aurait pu être dans l’assistance, se lever, prendre le micro et, citant ses écrits, on aurait entendu le dialogue suivant :
Frédéric Bastiat : « L’Etat doit-il subventionner les arts ? »
Aurélie Filippetti : « Le principe d’avoir un CNC qui prélève de l’argent sur le billet des films, notamment à très gros budget, et qui les redistribue, c’est un très bon principe. »
Frédéric Bastiat : « Le droit du législateur va-t-il jusqu’à ébrécher le salaire de l’artisan pour constituer un supplément de profits à l’artiste ? »
Aurélie Filippetti : « Je veux maintenir cette logique » puisque « c’est un mécanisme fin, juste et vertueux qui génère plus d’argent qu’il n’en prélève sur la filière. »
Frédéric Bastiat : « L’impulsion doit venir d’en bas, non d’en haut, des citoyens, non du législateur ; et la doctrine contraire me semble conduire à l’anéantissement de la liberté et de la dignité humaine ».
On imagine le brouhaha ! Nos cinéastes intellectuels, indignés par de tels propos, auraient privé l’économiste de sa liberté de parole intolérable et finalement notre pauvre Bastiat aurait dû se rassoir sous le regard courroucé de l’intelligentsia subventionnée.
Cependant Madame Filippetti doit entendre, à défaut de comprendre, que tout prélèvement obligatoire prive celui qui est prélevé de sa liberté de choix. Que toute subvention issue de ce prélèvement obligatoire est de fait une spoliation.
Que le principe de redistribution est un système injuste au sens où celui dont l’argent est ponctionné n’obtient le plus souvent rien en retour.
Quand bien même n’y aurait-il qu’un seul euro de subvention, c’est encore trop : toute contribution doit être volontaire.
Une idée simple, respectant la liberté du spectateur, serait de fixer deux tarifs sur les billets d’entrée de cinéma : un tarif sans contribution au CNC, un tarif avec contribution au CNC. Nous verrions bien le résultat et peut-être que les spectateurs se montreraient généreux. Moi le premier d’ailleurs…
Mais la grande question reste encore sans réponse : pourquoi soustraire ainsi le cinéma français des lois du marché, de la logique de l’offre et de la demande ?
Madame Filippetti a-t-elle si peu confiance dans le talent de nos acteurs et de nos réalisateurs pour vouloir ainsi les subventionner et faire reposer l’économie du cinéma sur les contribuables français sans leur demander leur avis ?
Pourquoi ce rejet de l’économie de marché ?
Je propose donc d’envoyer à Madame Filippetti ce que Frédéric Bastiat a écrit sur les subventions de l’Etat en matière de culture dans son ouvrage « Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas », la partie IV sur «Théâtres, Beaux-Arts».
Nul doute qu’une telle lecture puisse enfin fournir une bonne vision de l’économie à Madame Filippetti. Ainsi, lorsqu’elle sera à court de mauvaises idées, elle pourra innover en proposant de bonnes idées lors des assises du cinéma.
Encore faut-il qu’elle voit l’intérêt des spectateurs français plutôt que ceux de quelques cinéastes intellectuels du quartier latin.
Sylvain Charat
« Qui génère plus d’argent qu’il n’en prélève sur la filière », a dit la ministre, ça veut dire quoi ce tour de magie?
Suite. En réfléchissant ça veut peut être dire que ce prélèvement est rentable et que globalement l’industrie cinématographique, donc certains personnages, s’enrichissent en utilisant cet impôt. Mais alors pourquoi continuer ce prélèvement, il suffit de laisser les investisseurs investir!
@phalene : sûrement le fameux et magique coefficient multiplicateur de la dépense publique.
Mais avec 86 % des productions cinématographiques exagonales non rentables, c’est difficile à croire.
A rédaction, c’est donc clair: le coefficient multiplicateur est le résultat d’autres financements.
Les SOFICA ou sicav cinéma sont défiscalisées à 70% !!!
Merci. Cdt.
Subvention au cinéma , aussi le conseil régional selon le Courrier Picard fr
C’est moins cette ponction sur les billets d »entrée qui est discutable que les critères d’attribution de cette manne aux heureux élus du 7 èm art
Un mot sur le système J Lang prix unique du livre qui aura été une sottise une ligne de défense temporaire , illusoire, un piège . Finalement qui ramasse le chiffre d »affaire de ces librairies fermées ?
A propos de la rentabilité des films: les « 86% » de films non rentables que vous cités sont des films qui n’ont pas été rentables en salles. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas générés de revenus: droits d’auteurs, droits d’exploitation… En effet, un film est aussi diffusé à la télévision (eventuellement plusieurs fois) et vendu (dvd, vod etc). Il est donc complètement idiot de penser qu’un film non rentable en salle est un film qui n’a pas généré de revenus.
A propos des prélèvements CNC qui génèrent de l’argent, il ne s’agit pas d’un tour de magie mais d’un concept économique assez basique, l' »effet levier ». Les investisseurs ne mettent pas d’argent sur un film sans un minimum de garantie. Les premiers financements, publics (CNC, région, europe etc) remplissent ce rôle. 1euros public attirera plusieurs euros privés.
Concernant la logique de marché appliquée au monde de la culture et, en l’occurrence, à une industrie culturelle: c’est idiot. Les produits culturels ne sont pas des produits comme les autres. Penchez vous donc sur les productions cinématographiques des pays ayant abandonné leur industrie à la logique du marché: l’Italie par exemple. Vous constaterez aisément qu’ils produisent très peu de films, très peu de films ambitieux, et lorsqu’ils en produisent, ces films sont des coproductions avec la France et bénéficient des soutiens, notamment, de l’Europe (cf les films de Nanni Moretti ou de Marco Tullio Giordana, de Bellocchio…).
J’espère vous avoir éclairé au moins un peu sur le pourquoi du CNC.
Belle langue de bois ,Xob, mais si l’on peut vous suivre sur les principes dans les détails ça coince : il ne parait pas que le CNC ne vive que de la taxe payée par les spectateurs du cinéma. Mais peut-être suis-je mal informé? A vous de me le dire.
Je suis incapable d’avoir un avis sur le CNC.
J’ai entendu un exemple un peu perturbant : le film « Camping » a été produit avec peu de moyens. Vu le succès, une suite a été produite avec un budget double! Qui a profité de ce surplus de budget et qui est lésé dans cette affaire?
Mais vous êtes tout à fait dans le vrai! C’est merveilleux! Le CNC ne vit pas absolument pas que de la taxe payée par les spectateurs. Il y a aussi un prélèvement sur les DVD, la Vod etc etc.
C’est un système re-di-stri-bu-tif. On prend de l’argent à la profession pour le redistribuer à la profession. Ces taxes ne concernent pas que les films français par ailleurs. Un gros succès populaire comme Bienvenu chez les ch’tis nourrira d’autres films plus complexe à financier (the artist…).
Ce système est très peu critiqué, et l’Europe entière nous le jalouse. Il y a une volonté politique ancienne derrière l’ambition d’une industrie du cinéma forte (et donc d’un CNC fort) : après les accords blum-byrnes, le cinéma français risquait d’être fragilisé, d’où la création d’un centre entièremnt dédié au soutien (puis à la promotion avec Unifrance) au secteur audiovisuel.
@Xob, vous faites erreur, « The Artist » n’a justement pas été sélectionné par le CNC et n’a pas bénéficié de subventions… La grande majorité des succès commerciaux ne bénéficient justement pas de subventions… En gros, les films qui rencontrent le public et sont plébiscités ne sont pas les plus aidés et financent des films bien souvent médiocres que personne ne va voir.
Source : http://www.lecri.fr/2012/09/24/le-centre-national-du-cinema-une-usine-a-gaz-qui-en%c2%adrichit-des-nababs/36056
Allons , Xob, il y a des subventions payées par l’impôt en plus des taxes prélevées sur le seul secteur audiovisuel ! Et j’aime bien ces discours « que le monde entier nous envie » appliqués à tout ce qui se fait ici, pourquoi diable ne passent-ils pas à l’acte? Le CNC n’est pas protégé par un brevet que je sache !