Allocation contre bénévolat : une réciprocité qui inquiète les socialistes
Conditionner le versement des allocations chômage à l’exercice d’activités bénévoles 30 heures par semaine pour une durée d’un mois : la dernière idée du gouvernement britannique, portée par le secrétaire d’Etat au travail et aux pensions Ian Duncan Smith, a déjà fait couler beaucoup d’encre. En France comme au Royaume-Uni, on s’inquiète de voir remis en question les principes fondamentaux de l’Etat-providence intimant aux pouvoirs publics de pallier les carences du marché. Malheureusement pour les ultra-antilibéraux, la dernière trouvaille du cabinet Cameron est plus socialiste qu’on ne le croit.
Les observateurs français parlent de travail forcé et gratuit : « Les chômeurs de longue durée vont devoir bosser gratos », titre LePost.fr. D’aucuns dénoncent ce qu’ils croient être la « réintroduction de l’esclavage ». L’accusation est évidemment absurde, les efforts exigés du chômeur britannique étant regardés par Smith et Cameron comme la contrepartie des allocations chômage qui lui sont versées chaque semaine. Mais les détracteurs s’en moquent : « Du travail gratuit en échange des allocations », peut-on lire sur le site du Journal du Dimanche. Et tant pis si les termes choisis (« gratuit » et « échange ») se contredisent.
Faut-il s’étonner, dans ces conditions, que le caractère socialiste d’une telle mesure passe inaperçu ? Le problème des doctrines socialistes, c’est qu’elles ne reconnaissent pas leur reflet dans le miroir.
En effet les mesures a priori défavorables au « peuple » sont toujours imputées à une vision « ultralibérale » de la société. Surtout quand elles servent à colmater les lézardes de l’Etat-providence. La proposition de Smith est à cet égard une illustration presque caricaturale du consensus idéologique sur le rôle de l’Etat dans l’économie et la société. Le secrétaire d’Etat au travail et aux pensions ne remet pas en question le dogme interventionniste, dominant depuis l’après-guerre et brièvement secoué sous Thatcher dans les années 1980, bien au contraire : dans son optique, l’Etat doit utiliser tous les leviers à sa disposition pour orienter la société dans la bonne direction. Il ne s’attaque pas davantage aux piliers fondamentaux de l’Etat « social », mais aux symptômes de son inefficacité que sont le chômage de masse, la crise de l’emploi et le phénomène d’assistanat.
Le principe « allocation contre bénévolat » n’est donc pas plus « libéral » que notre RSA. Ce n’est pas un coup de canif dans le contrat social de l’Etat-providence, mais une misérable rustine.
Si Smith et Cameron font autant parler d’eux en France, c’est aussi parce que les justifications du dispositif rappellent le programme du candidat Sarkozy, qui en 2007 promettait de « réhabiliter le travail » non seulement en tant qu’activité – par des mesures fiscales – mais en tant que culture. La « culture du travail » étant perçue comme un thème libéral, on ne prend pas la peine d’examiner les moyens, fort peu « libéraux » en vérité, employés ou susceptibles d’être employés par les partis de droite (les tories au Royaume-Uni, l’UMP en France) pour réhabiliter le travail. On s’autorise, au contraire, les affirmations les plus ridicules sur l’ultralibéralisme présumé du secrétaire d’Etat au logement Benoist Apparu, coupable d’avoir reconnu la légitimité de la proposition britannique… tout en regrettant qu’elle ne puisse être appliquée en France.
Les libéraux auraient tort de se sentir solidaires d’une mesure qui n’a absolument rien de libéral.
Se servir du pouvoir que donne à l’Etat sa fonction de grand redistributeur providentiel pour contraindre une catégorie de la population à exercer un type d’activité déterminé, ce n’est pas libéral. Proposer de réparer les conséquences de l’intervention de l’Etat par une intervention supplémentaire de ce même Etat, ce n’est pas libéral. Vouloir restaurer par le haut une « culture du travail » qui normalement devrait naître naturellement de l’obligation où se trouvent les individus de subvenir eux-mêmes à leurs propres besoins, ce n’est pas libéral. Et prétendre appliquer ces mesures pour le bien des intéressés, à savoir des chômeurs, ce n’est pas libéral. C’est socialiste. Car de telles mesures n’ont d’autre finalité que de pérenniser un « modèle social » qui, à l’évidence, n’a pas tenu ses promesses.
De nombreuses critiques ont été formulées. L’archevèque de Cantorbéry s’est indigné des pressions exercées sur les chômeurs britanniques, qui sont avant tout victimes de la conjoncture. Les travaillistes ont rappelé que le plus difficile est de trouver un emploi. Il a également été dit que la recherche d’emploi représentait, en soi, un travail à temps plein – et pour de nombreux chômeurs c’est l’incontestable vérité.
Mais ces critiques passent à côté de l’essentiel en imputant les ratés de l’interventionnisme à l’influence d’une idéologie libérale prétendument dominante. Il est grand temps en effet de se demander non pas comment aider au mieux les malchanceux, mais comment permettre à tous de vivre sans demander l’aide de personne.
Nils Sinkiewicz
Bjr,
Il faut recadrer les faits pour la France:
-les allocations chomage sont payées d’avance sur chaque salaire des travailleurs dans le cas où…par conséquent l’Etat n’a rien à voir dedans.
-par contre l’Etat utilise les ressources privées des ASSEDIC pour compenser sa politique d’augmentation du « toujours plus » dans le montant des cotisations sociales, ce qui augmente le cout du travail et augmente par la même le chomage…payé par le privé.
-si l’Etat veut réduire le taux de chomeurs, il lui appartient de plus capter les cotisations sociales pour son propre compte via le détournement des charges sociales par le fisc…ce qui amoindrira le cout du travail et permettra le retour des emplois mais….l’Etat vivant de cette énorme manne ne réduira JAMAIS son train de vie faramineux.
@+
Vous dites, en ce qui concerne la crainte de mise en place d’un travail forcé, que « L’accusation est évidemment absurde, les efforts exigés du chômeur britannique étant regardés par Smith et Cameron comme la contrepartie des allocations chômage qui lui sont versées chaque semaine. »
Sauf qu’il s’agit de 30 heures de travail par semaine contre un niveau d’allocation de 50,95 livres – soit une soixantaine d’euros – par semaine pour les moins de 25 ans, 64,30 livres – soit 76 euros environs – pour les autres.
Travailler 30 heurs par semaine à raison de 2 à 2,53 euros de l’heure… Si vous trouvez qu’on ne s’approche pas de l’esclavage (qui n’est pas une main d’oeuvre gratuite : il faut la loger et la nourrir, ce que 2 euros par jour ne suffisent pas à faire pour un individu dans nos sociétés), il faut que vous m’expliquiez davantage vos valeurs…
D’autant plus que, si j’ai bien compris, les travaux assignés aux chômeurs – principalement du bénévolat dans des associations caritatives – seront proposés par des sous-traitants privés… Qui se feront encore de l’argent sur ces nouveaux moutons !
A moins que ces travailleurs sous-payés prennent la place de jeune débutants ou stagiaires en recherche d’expérience… ou tout simplement de chomeurs à la recherche d’un emploi décent à un salaire décent.
Quand à l’encouragement des chômeurs, l’objectif de les replacer dans une dynamique de travail… Je n’y crois pas un instant.
Encore faudrait-il que ces emplois bénévoles aient une valeur ou une lien avec le savoir faire de ces chômeurs, et qu’ils soient respectés dans les structures qui les feront travailler.
Je crois plutôt que cela diminuera le sentiment de valeur qu’ils ont d’eux même.
De plus, à « travailler » comme cela 30 heurs par semaine, je ne crois pas qu’ils puissent avoir le temps nécessaire pour rechercher du travail (ce qui est une activité intense).
J’aurai peut être cru aux aspects positifs de valorisation et d’encouragement de cette mesure si elle avait été limitée à 5 ou 6 heures par semaine, par exemple.
Là, je ne vois qu’une dégradation de la valeur « travail » qu’on prétend vouloir revaloriser… et une attaque de l’ensemble des droits des salariés qui sera lourdement impactée.
Je comprend d’autant plus la colère des étudiants qui doivent s’endetter en plusieurs milliers de dizaines de livres, et qui verront les rémunérations baisser…
Bonjour Escribure,
Cette opération « alloc contre bénévolat » vous dérange ? Plaignez-vous en aux interventionnistes, keynésiens, socialistes et autres avocats de l’Etat dit « social », que leur façon de penser amène fatalement à choisir entre deux maux également condamnables : la banqueroute ou la contrainte. Car pour ma part je ne peux, étant libéral, me sentir solidaire d’une mesure qui ne l’est pas. Et par conséquent, ce ne sont pas mes valeurs qui sont en cause, mais celles du bon socialiste dont la chimère ne tient debout qu’au prix de telles monstruosités.
Encore une démonstration que si belle fut l’idée jadis,c’est la réalité du moment qui commande.
Qui doit on plaindre?Ceux qui ont laissé croire ou ceux qui ont crus?
L’équilibre sociale , c’est aussi des morts de guerres!(Hélas)
JE SUIS BIEN ENTENDU ECOEURE DE TOUT CELA MAIS SAVEZ-VOUS QU’EN ITALIE (ET CA DOIT EXISTER EN FRANCE AUSSI) IL SUFFIT DE MONTRER UNE RESIDENCE EN ITALIE ET UNE CARTE D’INVALIDITE POUR PERCEVOIR UNE ALLOCATION DE 770 EUROS MENSUELS. UN TURC, UN SENEGALAIS ET DEUX EGYPTIENS ONT BENEFICIE DE CETTE ALLOCATION MAIS ILS SONT REPARTIS CHEZ EUX ET ONT CONTINUE A TOUCHER L’ALLOCATION JUSQU’A CE QUE LE JEU SOIT DECOUVERT ET LES ALLOCATIONS GELEES. UN ARTICLE SUR « LA PROVINCIA » DU 17 FEVRIER RELATE LES FAITS.
ALORS VOILA A QUOI CONDUIT NOTRE BIENVEILLANCE BORNEE.