Entretien. Dominique Marcilhacy, ex-membre du Conseil économique et social
Vous avez dénoncé il y a quelques années les taux d’absentéisme record au Conseil économique et social national.
Oui, et depuis que j’ai fait un scandale à ce sujet, le Conseil économique et social a appliqué le règlement et les membres qui ne viennent pas aux assemblées et réunions sont sanctionnés sur leurs indemnités dites représentatives.
Cette réglementation existait déjà, mais n’avait jamais été mise en oeuvre… Elle ne l’est toujours pas entièrement d’ailleurs, puisqu’il existe une autre punition qui consiste à déclarer les absents démissionnaires d’office, mais qui n’a jamais été infligée.
Grâce à cela, une augmentation sensible des taux de présence a été notée.
Est-ce que les taux de présence sont revenus à un niveau normal ?
Je ne saurais vous le dire. Il faut savoir que pour être noté présent aux assemblées plénières, il suffit de signer un grand-livre à l’entrée de l’hémicycle.
Alors il suffit de venir quelques instants, le temps de signer, serrer quelques mains et repartir…
Et puis, le groupe peut voter à la place d’un membre sans que celui-ci soit présent :
c’est pour cela que le Conseil économique et social affiche des taux de présence de 86 % en assemblée plénière !
En revanche, il est impossible de tricher sur la présence en réunions de sections, qui se déroulent dans des salles plus petites, et le taux de présence est bien plus faible (lire encadré ci-dessous).
Vous avez dénoncé aussi des subventions excessives ?
Excessives quand le bénéficiaire ne vient pas, oui. À l’époque où j’y étais, j’en avais compté quatre qui n’étaient absolument jamais venus, pas même en plénière.
Il y avait des gens inscrits dans ma section que je n’ai jamais vus non plus. C’est scandaleux !
Est-ce parce qu’ils ont le sentiment que ces réunions sont inutiles ?
Le premier but du Conseil économique et social est que des gens d’univers différents puissent se rencontrer dans un cadre policé et courtois, ce qui n’est pas inutile.
Les rapports sont en général de bonne qualité, même si c’est bien souvent autour du plus petit dénominateur commun que tous parviennent à se mettre d’accord.
Après, est-ce que les différents groupes sont représentatifs de la société française, et est-ce que c’est bien qu’on alimente de cette façon telle ou telle association et pas une autre ?
Pour ce qui est du domaine qui me concerne et pour lequel j’avais été nommée, à savoir les questions familiales, il y a un aspect scandaleux :
les représentants des associations familiales sont tous des « papys », un seul a des enfants qui sont encore mineurs !
Et puis dans cet univers politique, c’est « tu me tiens, je te tiens… ».
Dans le domaine de la politique familiale, les gouvernements ont un intérêt majeur à ce que l’Unaf (l’Union nationale des associations familiales) soit sage et gentille.
Or l’Unaf est très sage, et très gentille, parce que grassement subventionnée et qu’elle bénéficie de dix places au CES ! Ces places sont une forme de subvention, et peuvent être une sorte d’achat.
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L’absentéisme persiste
En 2004, date à laquelle Dominique Marcilhacy dénonce l’absentéisme record des membres du Conseil économique et social, les taux de présence étaient de 73 % en plénière, et seulement 50 % en sections, selon les chiffres publiés dans un rapport sénatorial.
Sachant qu’en plénière, raconte l’ex-conseillère, il était très facile de tricher : il suffisait de faire voter les camarades de groupe à sa place, et il n’existait pas de registre de présence.
Toujours selon le Sénat, ces statistiques ont augmenté depuis, grâce au scandale provoqué par l’ex-conseillère. Des registres de présence existent désormais et les sanctions prévues pour les absents sont en partie appliquées.
Ainsi, en 2007, le taux de présence en plénière était de 87 %, et de 73 % en sections. Mais s’il est difficile de tricher pour les réunions en sections, qui ont lieu dans de petites salles, cela reste facile dans le cas des plénières : il est facile de se contenter de signer et repartir sans siéger, en demandant aux présents de voter à sa place.
D’où cet écart entre les taux de présence en assemblée et en sections…