Les sinécures du Conseil d'
En 1906, un juriste lucide comparaît le Conseil d’État à « une maison de retraite pour les vieux préfets en disgrâce ». En 1920, un parlementaire cruel y voyait « un refuge pour préfets fourbus et insuffisants ». (…)
On doit à la vérité de dire qu’au Conseil, les primes de rendement sont inconnues et que la présence ou l’absence des conseillers n’entre pour rien comme critère pour le règlement de leur salaire.
Mieux, l’exercice d’une activité annexe (enseignement, conseil juridique) est fortement conseillé.
C’est ainsi que le Conseil d’État ressemble plutôt à un club anglais, où il est possible de somnoler dans de profonds fauteuils, sans trop de soucis matériels grâce à un salaire de 10 000 euros net par mois…
(…) Anciens ministres, Martine Aubry, Jean-Louis Bianco, Laurent Fabius, Henri Nallet, Alain Richard et Jacques Toubon, sont tous conseillers d’État à la retraite, en disponibilité ou à nouveau en détachement.
Beaucoup d’hommes, et de femmes politiques, trouvent ainsi au Conseil d’État un abri temporaire et une consolation, qui s’élève à tout de même 12 000 euros brut par mois, en attendant que le sort électoral leur redevienne favorable. Il s’agit là d’un fantastique parachute doré, équivalent à 4,5 millions d’euros pour une carrière de trente ans.
Il leur permet, à l’inverse des chefs d’entreprise du privé, de poursuivre une carrière politique sans courir le moindre risque. Les derniers heureux élus (certains pour cinq ans, d’autres jusqu’à la retraite), désignés par le roi-président, sont Nicole Guedj, ex-secrétaire d’État aux Droits des victimes, Jean-François Mattei, ancien ministre de la Santé, et Dominique Versini, ex-secrétaire d’État chargée de la Lutte contre la précarité et l’exclusion.
« M. Mattei est là pour favoriser l’ouverture d’esprit du Conseil d’État », souligne-t-on sans rire place du Palais-Royal. Exerçant au CHU de Marseille comme enseignant de l’éthique médicale, conseiller municipal de cette ville et conseiller d’État, M. Mattei a été élu président de la Croix-Rouge française en décembre 2004. Il a déclaré pouvoir donner « à la Croix-Rouge, tout le temps nécessaire… » On le croit sur parole.