Emmanuel Macron : un « champagne socialist » à Bercy
Notre article d’août 2014 trouve un écho nouveau avec cette chronique d’Éric Verhaegue pour Figaro Vox, « Macron ou le libéralisme Canada Dry ». Nos critiques passées n’enlèvent rien à notre récent soutien à sa déclaration sur l’inadéquation du statut de la fonction publique, avec laquelle la grande majorité des contribuables (70%) est d’accord.
Mais pour autant, les limites du ministre de l’Économie doivent être soulignées, comme nous l’avions fait en 2014 (article ci-dessous), et comme l’a fait plus récemment Éric Verhaegue :
« Macron apparaît comme un « libéral Canada-Dry ». Il a bien les apparences d’un libéral, mais sa composition idéologique est très différente.
D’abord par ses origines. Macron est par essence une créature de l’Etat : normalien, énarque, inspecteur général des finances, il se situe au cœur de ce faux libéralisme, de cette vulgate libérale volontiers pratiquée dans les allées administratives du pouvoir. On y dit, et on y répète dans les dîners, les couloirs et les alcôves, que le droit du travail est trop compliqué, mais on ne manque jamais de lui en rajouter une couche. On y parle du poids des 35 heures dans les entreprises, mais on se garde bien de les remettre en cause dans les services de l’Etat. On plaide pour la compétitivité, la performance, mais on évite de l’appliquer aux administrations, car les vagues produites dans les services par ces idées révolutionnaires pourraient nuire à la carrière.
Le libéral étatiste adore la concurrence chez les autres, mais pas chez lui.
Ensuite par ses choix politiques. L’oeuvre de Macron donne le sentiment de « libéraliser », mais elle favorise systématiquement les grandes entreprises rentières au détriment des nouveaux entrants sur les marchés. Prenons l’exemple de la libéralisation du transport routier de voyageurs : elle constitue une aubaine pour la SNCF qui diversifie ses activités et ne profitera marginalement qu’aux nouveaux transporteurs. Ouvrir des marchés avec la SNCF, convenons-en, n’est pas une logique libérale.
Cet exemple emblématique montre bien que le libéralisme d’Emmanuel Macron s’arrête là où la rente commence. Notre ministre de l’Economie a bien l’idée qu’il faut laisser le secteur privé respirer, mais sous un format post-soviétique : il s’agit de privatiser des activités publiques, ou de faire le jeu de grandes entreprises installées, et certainement pas d’instaurer une concurrence libre et parfaite où un Bill Gates, ou Steve Jobs, pourrait émerger.
Le libéralisme macronien, c’est le libéralisme d’une technostructure qui rêve de privatiser les leviers de l’Etat à son profit. Et pendant ce temps, le Mittelstand français se meurt. »
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Mise à jour, mercredi 14 octobre : À lire aussi, cette chronique de Jean Nouailhac pour LePoint.fr, qui cite un article de l’essayiste Gaspard Koenig, lequel avait épinglé ce tweet d’Emmanuel Macron du 16 octobre 2014 :
Le libéralisme c’est la loi du plus fort, l’esprit des réformes que nous proposons c’est tout l’inverse. 1/2
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 16 Octobre 2014
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Ci-dessous, notre article d’août 2014 :
Arnaud Montebourg « out », Emmanuel Macron « in » ! Le changement de ministre à Bercy peut sembler être une bonne nouvelle, tant Montebourg a marqué son passage au gouvernement par sa soif de dépenses publiques. Mais est-ce si sûr ?
On prend (presque) les mêmes, et on recommence !
Comme nous l’avions prévu, le remaniement ministériel a consisté en un simple jeu de chaises musicales. Exit l’étatiste Arnaud Montebourg, certes, mais Michel Sapin, pas réputé pour être un grand ami des contribuables, est toujours ministre des Finances et des Comptes publics, c’est-à-dire des dépenses et des impôts.
La nomination d’Emmanuel Macron en remplacement de Montebourg à l’Économie est la seule surprise de ce remaniement. L’arrivée à Bercy d’un ancien banquier d’affaires chez Rothschild est vue par l’aile gauche du Parti socialiste et ses alliés d’extrême-gauche comme un « mauvais signal ».
Macron a pourtant plusieurs attributs de mise à rassurer les socialistes : énarque puis inspecteur des Finances, il était depuis l’élection de François Hollande le secrétaire général adjoint de l’Élysée. Membre du PS dès ses 24 ans, il avait soutenu Hollande lors de la primaire socialiste de 2011, puis lors de l’élection présidentielle de 2012. En 2010, il était rapporteur sur la mondialisation à la Fondation Jean Jaurès (le père du socialisme français).
Alors, y a-t-il une contradiction entre cet engagement à gauche et les fonctions de banquier d’affaires qu’il a occupées chez Rothschild de 2008 à 2012, et qui lui ont permis de devenir millionnaire ? Y a-t-il une incohérence entre ses fonctions dans un gouvernement socialiste et son appartenance, en 2007, à la « Commission pour la libération de la croissance française » ? Ou avec sa participation (comme Montebourg du reste) au programme des « Young Leaders » de la French -American Foundation, en 2012 ? Ou cette année au groupe de Bilderberg, qui prône le libre-échange mondial ?
Emmanuel Macron correspond en réalité à ce que les Anglo-Saxons appellent un « champagne socialist ». Loin d’être une contradiction au logiciel socialiste, le champagne socialist en est plutôt l’application si l’on en croit l’essayiste américain Gary Allen, qui écrivait en 1972 ceci au sujet notamment de Rockefeller (traduction par nos soins) :
« Si l’on comprend que le socialisme n’est pas un programme de partage des richesses, mais est en réalité une méthode pour consolider et contrôler les richesses, alors le paradoxe apparent de ces hommes fortunés qui promeuvent le socialisme n’est plus du tout un paradoxe. Au contraire, le socialisme devient logique, et même l’outil parfait de mégalomanes dans leur quête du pouvoir.
Le socialisme n’est pas un mouvement des masses opprimées, mais de l’élite économique. »
La citation de Gary Allen décrit bien le fonctionnement de notre classe dirigeante, toutes tendances idéologiques affichées confondues.
A C.A.
Oui sans doute lorsque le crédit n’est pas investi, ce qui est le cas le plus souvent maintenant, d’où un vrai problème de stabilité du système. D’où l’utilité de réglementer et de limiter l’ingénierie financière. Mais je ne vois pas en quoi ceci rend M. Macron amoral.
Je ne lui demande que d’être efficace, c’est à dire de faire accepter aux idéologues dits de gauche, syndicalistes ou parlementaires, les mesures nécessaires pour que la France produise plus de richesses et cesse d’avoir un commerce extérieur déficitaire. Et pour cela des mesures financières ne suffiront pas, à mon avis; il faudra réorganiser bien des domaines pour que l’efficacité de la dépense publique s’améliore: gérer d’abord, rêver à un monde meilleur ensuite; ou si vous préférez gagner d’abord ,redistribuer ensuite.
Macron n’est pas moins un idéologue que ses collègues socialistes, comme en témoigne son CV.
Quant à la création monétaire à partir de rien, que celle-ci soit investie ou non n’empêche pas que ceux qui sont le plus proches de la source (banque centrale + banques privées) en tirent un avantage indu.
A C.A.
Et alors? Tant que la loi est respectée où est le problème?
Pour ce qui est de la banque, j’avoue mon incompétence; bien que j’ai compris que nos sociétés industrielles n’existeraient pas sans le crédit gagé sur aucun bien préexistant, mais après tout cette capacité de faire du concret avec du vent, n’est-elle pas formidable?
En droit positif, ce qui est légal n’est pas forcément moral.
Le système monétaire et financier actuel (monnaie déconnectée de toute valeur tangible, possibilité pour les banques de prêter un argent qu’elles n’ont pas) ne permet pas de « faire du concret avec du vent », mais de faire payer à ceux qui sont en bout de chaîne dans le processus de diffusion de la monnaie (petites entreprises, salariés, épargnants) les privilèges de ceux qui sont en début de chaîne (banques, grandes entreprises, État). L’inflation générée par la création monétaire déconnectée de l’activité économique est payée par ceux qui touchent la monnaie en dernier.
« Tant que la laoi est respectée »… Cela me laisse rêveur ! Savez-vous QUI fait les lois ? Du moins, les lois européennes, que la France est plus ou moins obligée de suivre, sauf à payer des amendes… ?
Certainement pas le parlement européen, ni le parlement français, en dépit des apparences.
Mais s’il en était autrement nous aurions affaire à de dangereux extrémistes.
je préfère les hommes intéressés à leur propre fortune, à ceux qui sont tellement convaincus d’avoir raison que plus rien d’autre ne compte; comme je préfère supposer que les déclarations de fortune de nos politiques sont partielles, sinon ils ne seraient même pas capables de gérer leurs propres sous.
Le problème est que dans une situation où la banque centrale peut imprimer de la monnaie à partir de rien, et où les banques privées peuvent prêter plusieurs dizaines de fois leurs fonds propres, les fortunes reflètent moins la contribution à l’économie que la capacité à être connecté auxdites banques.