Comment parvenir à un enseignement meilleur et moins cher

Par Claude Fouquet, ancien ambassadeur et historien, membre de Contribuables Associés, auteur de « Nouvelle histoire d’Europe » (L’Oeuvre, 2013), « 50 réponses sur l’Occident, des origines à nos jours » (France-Empire, 2013)
LIBÉRONS NOS ÉCOLES
Nos enseignants sont moins bien payés qu’ailleurs, notamment au Royaume-Uni et en Allemagne, et nos résultats sont moins bons. La France a encore perdu deux places dans le dernier classement PISA de l’OCDE et n’est qu’au 25e rang de cette enquête évaluant les performances des élèves de 15 ans. Pourtant nous dépensons plus, et de plus en plus. Christian Eckert a annoncé qu’en 2017, le budget de l’enseignement augmentera encore de 3 milliards d’euros. Ce budget, qui est déjà de loin le plus important, va donc encore augmenter, alors qu’il est en baisse pour les autres ministères, notamment la Défense. Et pourtant, nous sommes en guerre !
En fait, ce n’est pas de dépenses supplémentaires dont nous avons besoin en matière d’éducation, mais d’une réforme. C’est ce qu’a compris une jeune normalienne et énarque, Anne Coffinier qui, plutôt que de devenir ambassadrice de France comme elle le pouvait, a préféré lancer, en 2004, l’association CRÉER SON ÉCOLE, à l’origine de 700 écoles libres hors contrat et d’un Institut libre de formation des maîtres. On crée chaque année plus d’écoles indépendantes. 93 écoles indépendantes supplémentaires ont ouvert en septembre 2016, soit une croissance annuelle de 12%. Ces établissements se créent même au cœur des quartiers défavorisés. Le Figaro vient d’établir un palmarès des lycées hors contrat à partir des résultats du bac 2016. Les résultats y sont bien meilleurs que dans le secteur public. Quand les Français comprendront-ils que le communisme marche moins bien que la libre entreprise, même en matière d’éducation ?
Environ quatorze millions d’élèves sont scolarisées en France, largement aux frais de l’État, des collectivités territoriales et des caisses d’allocations familiales. La dépense moyenne par élève et par an est de 6.010 euros dans le premier degré (maternelle et élémentaire), 8.410 euros par collégien, 11.310 euros par lycéen général et technologique et 11.960 euros par lycéen professionnel, soit un coût moyen de plus de huit mille euros par élève et par an. Les parents qui mettent actuellement leurs enfants dans des écoles indépendantes ont de meilleurs résultats et pour moins cher. Ils font faire une substantielle économie à l’État, et donc au contribuable. C’est en effet plus de huit mille euros que ceux qui scolarisent leur enfant dans des collèges indépendants font économiser chaque année à l’État. Il serait donc naturel qu’on rende à ces familles, une partie au moins, de la somme qu’elles font économiser à la collectivité, à l’instar de ce qui se fait pour les gardes d’enfants.
BONS D’ÉDUCATION
Cette ristourne pourrait prendre la forme d’un chèque que l’on pourrait appeler bon d’éducation, titre non échangeable, encaissable uniquement par une école. Rien ne s’opposerait alors à ce que ce système soit généralisé à l’ensemble du système éducatif. Chaque famille recevrait ainsi en début d’année un bon pour payer la scolarité de son enfant dans l’établissement de son choix. Ce système existe déjà dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis, aux Pays-Bas et en Suède. Dans ce dernier pays les parents reçoivent un chèque d’une valeur moyenne de 8500 euros par enfant, et ils choisissent massivement les écoles privées, au point que l’enseignement public risque de disparaître.
Supposons que les pouvoirs publics : État, collectivités publiques et caisses d’allocations familiales, donnent à chaque famille un bon d’une valeur de cinq mille euros pour un écolier du primaire, huit mille pour un élève du secondaire, et dix mille pour un étudiant. Le coût, pour la collectivité, serait à peu près le même qu’actuellement ; mais le but de l’opération serait, moins de réduire la dépense globale, que de la rendre plus efficace et performante, grâce à la concurrence, qui permettrait un bien meilleur rendement du système éducatif. Ce serait le meilleur moyen d’introduire dans les établissements scolaires la plus grande autonomie de gestion réclamée, non seulement par les proviseurs, mais aussi par beaucoup de professeurs. Ceux-ci souffrent en effet de la rigidité des règles qui les encadrent, et qui les empêchent de s’adapter à un environnement et à des élèves de plus en plus divers.
Avec le bon d’éducation, l’État cesserait d’être le gestionnaire inefficace d’un système inadapté. Son intervention se bornerait à garantir un niveau minimum. Cela permettrait de supprimer les contraintes de la sectorisation, en rendant aux parents le libre choix de l’école, qui est un droit fondamental dans les pays libres. Ils pourraient, ainsi, faire jouer la concurrence dans un secteur actuellement monopolistique, où règne gabegie et irresponsabilité, comme dans tout monopole. Faire éclater le carcan bureaucratique, qui étouffe initiative et créativité chez les enseignants, donnerait à notre système éducatif la chance de pouvoir jouer un rôle moteur dans le libre espace européen de l’éducation, qui est en train de se mettre en place.
Les bons d’éducation, donnés aux parents et aux étudiants, ne seraient évidemment pas revendables. Ils ne pourraient qu’être remis en paiement à un établissement d’enseignement reconnu et agréé. L’instauration d’un tel système pourrait se faire progressivement, en commençant par des expérimentations volontaires dans certaines régions. Il n’y aurait pas de difficultés pour les écoles privées. Pour ce qui est du secteur public, on pourrait donner à chaque établissement le choix entre le statu quo et le changement, choix exercé démocratiquement, établissement par établissement, par un vote des enseignants.
AUX PROFESSEURS DE DÉCIDER
Il est évident que ce sont les enseignants qui doivent avoir le dernier mot. Il ne faut pas refaire l’erreur consistant à faire élire les présidents d’université par une majorité de non enseignants. Ces présidents sont contestés, car ils sont élus par un collège où ce ne sont pas les voix des professeurs qui sont prépondérantes, mais celles des personnels administratifs et des étudiants. Sous cette réserve, chaque établissement devrait pouvoir décider en toute liberté, soit de ne rien changer, si c’est le vœu majoritaire, soit de créer une structure nouvelle, entreprise commerciale, coopérative, mutuelle, association, peu importe la forme juridique.
Champ libre serait ainsi donné à l’innovation et à l’imagination, à la seule condition de la transparence financière, contrôlée par les chambres régionales des comptes. Les établissements ayant opté démocratiquement pour rester dans le secteur public, retourneraient à l’État les bons reçus en paiement de la scolarité. Les chefs d’établissement auraient la plus large liberté de gestion, tout en continuant, comme leur personnel, à être payés par l’État et à faire carrière dans la fonction publique, sans donc perdre leur statut privilégié actuel. Chaque établissement aurait simplement l’obligation de faire un bilan annuel, ainsi qu’un compte de profits et pertes, comptabilité virtuelle, mais indispensable pour connaître les coûts véritables. Les établissements bénéficiaires, c’est-à-dire ceux où le coût pour la collectivité serait inférieur à la valeur globale des bons reçus, seraient récompensés par une participation aux bénéfices, permettant de distribuer des primes au personnel. Les établissements déficitaires, où le total des bons d’éducation reçus serait inférieur aux dépenses engagées, se verraient pénalisés par une réduction proportionnelle de leurs crédits. Les salaires statutaires des personnels y seraient maintenus, mais les structures durablement déficitaires devraient être fermées, par exemple après quatre années consécutives de pertes, et leur personnel serait alors transféré vers les établissements bénéficiaires ayant besoin de se développer pour faire face à une demande accrue.
Les établissements publics ayant choisi le secteur concurrentiel pourraient s’organiser en toute indépendance ; sous réserve d’inspections, tout comme les établissements privés actuels ; mais le véritable pouvoir de contrôle appartiendrait en dernier ressort aux parents et aux étudiants. Consommateurs d’éducation, ils seraient les ordonnateurs du système, les véritables décideurs, par le simple fait qu’ils apportent, en toute liberté, leurs bons d’éducation aux établissements qu’ils jugent les meilleurs et les plus performants. Comme cela s’est déjà produit au moment de la privatisation d’autres établissements publics, il pourrait y avoir des surprises, car rien n’est jamais joué d’avance.
Il n’est même pas sûr que la part des écoles privées augmenterait globalement, car les établissements réalisant des bénéfices seraient sans aucun doute choyés par les pouvoirs publics qui auraient intérêt à leur donner les moyens de grandir, de manière à économiser les fonds publics. Il n’est pas exclu que, réveillé par la concurrence et motivé par l’autonomie, un grand service public de l’enseignement finalement prospère à tous les niveaux. Les droits acquis des personnels en fonction seraient préservés, mais les conditions d’emploi et de salaires des nouveaux recrutés seraient négociées par chaque établissement qui choisirait librement ses professeurs dans les universités devenues, elles aussi, autonomes. Sans aucun doute, les meilleurs professeurs et chefs d’établissement verraient leurs salaires dépasser largement les plafonds actuels de la fonction publique.
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La réponse est contenue dans votre article « revendus sur leboncoin, les ordinateurs des collégiens ont coûté 47,3 millions d’euros aux contribuables ».
Magouille et corruption, les deux mamelles de la « crise » de la « dépense publique » et autant de crimes contre le peuple.
http://www.associationmieuxvivredanslatransparence.fr – Bernard ALGHISI
La ministre claironne « moins de sans diplôme à la fin des études ». Sans préciser l’âge.
Et en faisant semblant de ne pas savoir qu’il suffit d’abaisser la poutre pour que tous les chevaux passent l’obstacle!
Tant que « l’éducation nationale » sera à la merci des politiques qui se servent de l’enseignement pour faire passer leurs idéologies, nous n’aurons que les résultats déplorables constatés depuis plus de quarante années.
Magouille et corruption, les deux mamelles de la « crise » de la « dépense publique » et autant de crimes contre le peuple.
http://www.associationmieuxvivredanslatransparence.fr – Bernard ALGHISI
Idée très séduisante. L’éducation de base a t-elle sa raison d’être dans la sphère publique ? Pour l’éducation supérieure, j’ai déjà donné mon avis, c’est non dans les savoirs à destination du secteur privé. Pour l’éducation de base la question se pose sachant que les écoles privées remplissent actuellement semble t il mieux le rôle que les écoles publiques. Là, dans le cas de l’école primaire et secondaire, il s’agit en gros d’une délégation de service public dévolue aux écoles privées si j’ai bien compris.
Vous écrivez : »mais le but de l’opération serait, moins de réduire la dépense globale, que de la rendre plus efficace et performante, grâce à la concurrence… »
Ah, vous êtes bien un haut diplomate. Les questions de contingences budgétaires ne vous semblent pas essentielles. Pour moi, si. La question de la réduction de la dépense globale se pose crûment et même en premier. Ensuite on n’a que l’éducation que l’on peut se payer. Comme pour le reste. C’est dans ce sens que je vois les choses. Soyons décomplexés face à la vision comptable des choses. Elle n’est pas honteuse contrairement à ce que ceux qui profitent de la situation veulent nous faire croire. Mais cela n’ôte rien à votre idée novatrice.
Si on a de gros moyens, on aura de meilleures chances d’avoir un enseignement de qualité, et pas le contraire.
Encore une chose. Il faut à mon sens regarder du coté du nombre d’élèves par classe, mais pas pour baisser ce nombre et faire de l’éducation adaptée à chacun…pour l’augmenter. 30, 35 élèves par classe, c’est jouable. Quand on connaît la capacité moyenne des amphis de fac (une centaine d’étudiants au bas mot) le nombre d’élèves peut être revu à la hausse. Avec en corollaire l’apprentissage par la pratique quotidienne de l’auto discipline, laquelle manque de plus en plus dans la société actuelle.
Une nuance : la dépense d’éducation n’est pas une dépense de fonctionnement ,mais plutôt un investissement. Bien entendu ce n’est ni blanc ni noir: l’investissement ce sont les jeunes diplômés, s’y ajoute une part de gâchis de fonctionnement de l’organisme éducation nationale.
En outre le monde du numérique et de la micromécanique qui vient sera rude pour ceux qui ne sauront pas s’y adapter: il restera des travailleurs manuels mais moins, et même là, l’attention au travail va devenir plus importante.
Et puis l’ennui guette. On sera de plus en plus souvent payés pour surveiller un processus, pour attendre le client ,la panne, etc…Je crois que l’ennui est le plus gros défi à relever: notre cerveau ,comme celui des autres animaux n’est pas conçu pour cela mais plutôt pour la compétition. La seule parade est la culture pour élever le niveau. Ce n’est donc ,à mon avis , pas le moment de laisser filer le niveau moyen d’éducation, il faut au contraire qu’il monte, et vite.
J’en rêve de ce chèque éducation; mais faut pas rêver.
D’abord il y a le ministre de l’éducation. Où trouver un ministre capable de cela, alors qu’il est sous la tutelle du ministre de la fonction publique, et que son propre cabinet est gavé de syndicalistes enseignants et enseignés? Petit problème d’organisation usuel….qui fait que seuls ceux qui laissent faire ne sont pas virés rapidement.
Ensuite il y a le monopole. Comment un monopole peut-il ouvrir les esprits? Faire grandir les enfants pour en faire des adultes autonomes? Entre gavage des têtes et pédagogisme notre éducation étatique a choisi le second, moins fatigant. Je ne le regrette qu’à moitié quand j’entends le ministre parler de l’école des savoirs. Même pas de savoir être ou savoir faire. Non, Savoir, immuable, vérité, Savoir avec un grand s comme Stalinien. On se demande comment on peut devenir ministre en croyant encore que la vérité scientifique est éternelle!
Et puis il y a le gros mot « sélection », traduction monopoliste de la volonté « d’élever le niveau moyen ». L’image qui me vient à chaque fois est celle des chercheurs d’or: des tonnes de boues et graviers pour quelques petites pépites après un long travail épuisant. Le reste, jeté! Si seulement la quasi totalité des pépites étaient sauvées, mais même pas….
J’avoue ,je suis de parti pris: les enseignants ne m’ont pas aimé, et les études ont été logues, longues,…
Attention avec les comparaisons économiques: les biais sont partout, les enseignants sont volontaires, les enseignés sont choisis, et les classes sont pleines . Mais le seul fait que les écoles privées fonctionnent prouve que l’on peut faire mieux que l’Education Nationale; et je puis vous vendre le chèque éducation comme une mesure de gauche ultra sociale, etc…à se demander pourquoi ils ne l’ont pas fait!
Détail. On fait quoi de la multitude des fonctionnaires des services centraux et périphériques? Souvent hauts les fonctionnaires, toujours syndiqués; attention .