Le modèle américain : une alternative à l’Etat culturel Français
Là où la France fait de l’État l’acteur majeur de son rayonnement culturel, les États-Unis préfèrent jouer sur le mécénat privé et les incitations fiscales, tant au niveau local qu’au plan fédéral.
Le mécénat d’initiative privée
Le dynamisme du tissu associatif américain jadis célébré par Tocqueville s’est concrétisé dès la fin du XIXe siècle et tout au long du XXe siècle. Des organisations philanthropiques financées par de grands industriels soucieux d’améliorer le bien-être de leurs concitoyens se sont développées au sein de la société civile, indépendamment du pouvoir politique.
Pour Marina Weimert, directrice de projet chez Capgemini Financial Services, la raison principale de la générosité de ces milliardaires vient du sentiment de reconnaissance à l’endroit d’un pays qui les a tiré de la misère : « Beaucoup de nouveaux riches ont bâti eux-mêmes leur fortune. En donnant à des fondations, ils cherchent à rendre à la société ce qu’elle leur a donné. » Concrètement, cela se traduit par la présence de plus de 12 000 fondations sur le sol américain, là où seules 600 prospèrent en France.
Incitations fiscales et subventions culturelles
Il ne faut cependant pas croire que l’État et la culture ne se rencontrent jamais outre-Atlantique. Les relations y sont plus complexes, car les acteurs publics préfèrent encourager la culture par des incitations et des dégrèvements fiscaux plutôt que par des subventions directes, que le Congrès observe toujours d’un œil hostile.
Ainsi, en 2001, les dons dans le domaine culturel et humanitaire représentaient 12,41 Md$ (9,9 Md€). Au plan national, l’équivalent du ministère de la Culture français se nomme National Endowment for the Arts (NEA), et a coûté 154 M$ (123 M€) au contribuable américain en 2011, soit à peu de choses près le prix d’un avion de chasse F22.
Accusée sous Clinton de complaisance pour les avant-gardes les plus obscènes et les plus sordidement provocatrices, elle est actuellement dirigée par Rocco Landesman, nommé en 2009 par Barack Obama. Au plan local, les États et les collectivités locales ont augmenté leur financement de 100 % de 1993 à 2001, ajoutant au coût de la NEA respectivement 420 M$ et 800 M$ ce qui, bien entendu, doit être
rapporté à l’échelle d’un pays au PIB de 14 300 Md$ (11 450 Md€).
La crise de 2008 a sans aucun doute découragé certains des donateurs qui constituent le cœur du modèle culturel américain. Elle a aussi incité certains artistes à la création. Les plus inventifs d’entre eux n’ont pas attendu la charité du contribuable pour continuer à faire vivre le monde de la culture, mais ont proposé des solutions innovantes comme la modulation des tarifs ou la levée de fonds pour s’adapter au nouveau contexte économique. Espérons qu’un tel état d’esprit puisse voir le jour au sein de la création en France.
Frédéric Mas
Dossiers du Contribuable n°8 » Les folies de la culture bobo « , 4,50 €.