Entretien. Jacques Creyssel, directeur général du Medef
« Benchmarker c’est la santé », dit le Medef, autrement dit, il faut s’inspirer des exemples étrangers qui ont réussi. En voici quelques exemples.
Le Medef fait l’éloge de la comparaison. Est-ce que ça ne s’est pas toujours fait ?
Ça se fait dans les entreprises. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça ne se fait pas beaucoup dans l’État.
Nous sommes encore très centrés sur nous même. Nous avons tendance à nous dire : c’est mieux qu’avant, sans regarder si c’est mieux que les autres.
Quand nous faisons un pas en avant, nous ne nous rendons pas compte que nos compétiteurs en font trois. En matière de fiscalité, de marché du travail, de relations sociales.
Sur quels exemples faut-il s’appuyer ?
L’Allemagne a adopté une stratégie gagnante de compétitivité industrielle : baisse des dépenses publiques, diminution du coût de la main-d’oeuvre, fort investissement en innovation, ce qui lui a permis d’avoir des excédents commerciaux record.
La Finlande s’est lancée dans les nouvelles technologies, avec des effets positifs sur la croissance.
L’Espagne a réformé de manière fondamentale son marché du travail :
aujourd’hui son taux de chômage est inférieur au nôtre, alors qu’il y a quinze ans, il était deux fois supérieur.
Le Royaume-Uni, que l’on critique tant, a organisé la flexibilité du marché du travail et mis la priorité sur les services, notamment financiers.
Résultat : ils ont quatre millions d’emplois privés de plus que nous, quand, au début des années quatre-vingt, nous en avions autant qu’eux.
Bref, nous pourrions avoir 3 % de croissance si nous avions une vraie stratégie de l’offre, et non pas une stratégie de la demande.
Agir sur la demande, c’est par exemple, donner des subventions pour maintenir le pouvoir d’achat ?
C’est, dans une vieille optique keynésienne, faire en sorte que la consommation soit la plus forte possible, à court terme.
En débloquant par exemple la participation, dont une partie repartira en épargne.
La politique de l’offre, c’est au contraire jouer la carte de la croissance durable, agir sur des investissements comme l’enseignement supérieur, l’innovation, la recherche. À ce titre nous trouvons que la réforme récente du crédit impôt recherche est très positive.
Que pensez-vous de la possibilité d’investir son ISF dans les jeunes entreprises ?
Cette mesure est essentielle pour développer les fonds propres de nos PME. Il faut tout faire pour faciliter le financement des PME.
Nous avons un vrai problème de ce côté-là. En France, les réductions fiscales dont bénéficient nos « business angels » sont dix fois inférieures à ce qu’ils sont au Royaume Uni.
Résultat : nous avons onze fois moins de BA qu’eux.
Quand on se compare avec l’Allemagne, on constate qu’en moyenne la marge de leurs entreprises est supérieure d’au moins un tiers à celle des entreprises françaises.
La baisse des marges est due notamment à l’augmentation des cotisations sociales. Notre coût du travail est désormais supérieur à celui de l’Allemagne.
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Les 35 heures, catastrophe absolue
« Les 35 heures ont été une catastrophe absolue. Nous les avons installées au moment précis où la Chine et l’Inde commençaient à développer leurs exportations de manière intense.
Et nous avons créé moins d’emplois que nos voisins, tout en dépensant beaucoup d’argent public pour essayer de compenser les surcoûts.
La loi qui permet des heures supplémentaires est une bonne chose, mais sa mécanique est très compliquée. Il faudrait maintenant donner la possibilité aux entreprises, par des accords entre entreprises et syndicats, ou avec les organes élus du personnel, de se libérer des 35 heures.
Donc la possibilité de négocier la durée de travail dans les entreprises. C’est ce que font tous les pays autour de nous. Benchmark, là encore ! »