Pour ou contre la TVA sociale ?
Pour protéger nos industries
La TVA sociale est une des trouvailles de la course à l’Élysée, version 2007. Car ce nouvel impôt résoudrait tout à la fois le casse-tête du déficit de la Sécurité sociale et celui de la concurrence des pays émergents.
Il s’agit de limiter un dumping social étranger en finançant la protection sociale, inexistante en Inde ou en Chine, par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui touche tout produit commercialisé, plutôt que par un prélèvement sur les salaires, qui pénalise uniquement la production locale.
La fiscalité ne bouge pas. Elle se déplace du travail vers la consommation. Tout produit vendu, national ou importé, contribue au financement des branches santé et famille.
Outil protectionniste, la TVA sociale l’est assurément.
« Mais doit-on laisser nos industries se délocaliser ? » interroge Jean Arthuis.
Elle vise également à alléger les entreprises.
Ses défenseurs en attendent beaucoup. Outre la baisse du coût de la main-d’oeuvre locale, elle doit s’accompagner d’une hausse du prix des produits importés.
La production française ne devrait pas en pâtir, la baisse du coût de production compensant l’augmentation de la TVA.
Quant aux salaires bruts, eux non plus, ne devraient pas bouger.
Les soutiens officiels s’accumulent. Les sénateurs Jean Arthuis (UDF) et Philippe Marini (UMP) sont à la pointe du combat.
François Bayrou suit. Nicolas Sarkozy souhaite l’expérimenter. Comme bien souvent, cette solution vient de nos voisins nordiques. Les Danois l’ont mis en place avec succès depuis 1987, et les Allemands cette année.
Mais lorsque nos voisins d’outre- Rhin augmentent leur TVA de trois points (de 16 à 19 %), celle-ci demeure inférieure à la nôtre, déjà très élevée.
Pour le sénateur Marini, la France doit franchir le pas, l’impact sur l’inflation et la consommation étant compensé par le gain en termes d’emplois.
« Les secteurs protégés à forte intensité de main-d’oeuvre devraient profiter à plein de la TVA sociale.
De même que ceux qui affichent une forte sensibilité à la baisse du coût du travail et qui sont exposés à la concurrence. »
Mais comme le reconnaît Jean Arthuis, « la TVA sociale ne servira à rien si elle ne s’accompagne pas d’une maîtrise des dépenses publiques ».
GUILLAUME DESANGES
Contre un impôt supplémentaire
À égalité de prélèvements obligatoires, remplacer une diminution des cotisations sociales par une augmentation de la TVA semble, à première vue, judicieux, car :
– La TVA est perçue sur le prix d’achat des marchandises et services importés, qui ne supportent pas nos cotisations sociales.
La compétitivité de ces produits ou services s’en trouverait réduite.
– La baisse des cotisations sociales patronales diminuerait les prix de revient de nos entreprises, et leur permettrait d’être plus compétitives à l’exportation.
– Ces deux effets réduiraient le déficit de notre commerce extérieur.
– Le taux « normal » de notre TVA est, à 19,6 %, dans la moyenne européenne, depuis que l’Allemagne vient d’élever le sien de 16 à 19 %.
Les taux des pays scandinaves sont supérieurs, comme le Danemark qui est à 25 %.
– Les taux de nos cotisations sociales sont les plus élevés d’Europe.
Ainsi le taux des cotisations patronales françaises est-il beaucoup plus élevé que le taux du pays suivant : environ 10 % de plus sur les salaires bruts.
Cependant : – L’augmentation du taux de la TVA augmente les prix, et diminue donc le pouvoir d’achat des ménages.
D’où l’idée qu’une partie de la diminution des cotisations sociales soit affectée aux cotisations « ouvrières », payées par les entreprises en diminution du salaire versé à leurs employés.
Dans ce cas, les salaires nets seraient augmentés, ce qui compenserait en partie la perte de pouvoir d’achat.
Toutefois cette réduction des cotisations « ouvrières » devrait être limitée, si l’on voulait conserver l’essentiel des avantages de compétitivité pour les entreprises.
– L’augmentation du taux de la TVA serait sans doute limitée au taux « normal », laissant inchangés les taux réduits (5,5 % pour les produits alimentaires, médicaments et autres produits de première nécessité ; 2,2 % pour la presse).
Les ménages les plus affectés seraient ceux qui s’installent, qui doivent s’endetter pour acheter des produits d’équipement imposés au taux normal.
Les moins affectés seraient les retraités.
– Si la diminution des cotisations sociales est souhaitable, en particulier les patronales, elle pourrait être obtenue sans augmentation des impôts.
En supprimant certaines cotisations patronales : le « 1 % logement », si les organismes d’HLM vendaient certains de leurs logements locatifs ; le 1,6 % affecté à la formation, qui est très mal utilisé, car les entreprises connaissent mieux que l’État leurs besoins de formation.
Les dépenses sociales pourraient être mieux contrôlées, des abus supprimés, et les cotisations réduites d’autant.
La baisse nécessaire des cotisations sociales patronales ne justifie donc pas une augmentation de la TVA.
ALAIN MATHIEU